L’opposant Ousmane Sonko a été arrêté vendredi 28 juillet à Dakar. Le procureur affirme qu’il fait l’objet d’une enquête pour « divers chefs de délits et crimes ». Dans un communiqué publié vendredi soir, le parquet estime que « depuis un certain temps », des « actes, déclarations, écrits, images et manœuvres » de la part de l’opposant étaient « constitutifs de faits pénalement répréhensibles ». Il a également affirmé que M. Sonko avait « volé avec violence le téléphone portable d’une femme gendarme » et avait « aussitôt appelé le peuple, par un message subversif divulgué sur les réseaux sociaux, à se tenir prêt ».
Avant son arrestation, dans l’après-midi, M. Sonko avait déclaré sur les réseaux sociaux que les forces de sécurité présentes devant son domicile l’avaient filmé. Il a précisé avoir « personnellement arraché le téléphone et demandé [à l’une des gendarmes] de le déverrouiller et d’effacer les images qu’elle a[vait] prises », ce que cette dernière a refusé de faire.
« Je demande au peuple de se tenir prêt pour faire face à ces abus sans fin », a-t-il écrit en conclusion de son message. Un de ses avocats, Cheikh Koureychi Ba, a précisé sur Facebook que son client était « gardé à vue pour vol de téléphone et appel à l’insurrection » et que l’interrogatoire avait déjà commencé.
Le parti de l’opposant, Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef)-Les Patriotes, qui a estimé que son président avait été arrêté « brutalement », a demandé sa « libération immédiate » et appelé les Sénégalais « à résister constitutionnellement contre ces abus et dérives tyranniques ».
« Ousmane Sonko vient d’être enfermé à la cave du tribunal », avait auparavant écrit l’avocat français Juan Branco, qui défend l’opposant sénégalais, dans un message sur Twitter, rebaptisé X.
Déjà inéligible
Vendredi soir, plusieurs véhicules de police, dont deux camions antiémeute, étaient garés devant le principal palais de justice de Dakar, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Ils ont ensuite quitté les lieux, sans qu’on sache où ils se rendaient.
Des personnes se sont rassemblées devant le domicile à Dakar de M. Sonko. Les barrages de police qui y étaient installés depuis le 28 mai pour des raisons « d’ordre public et de sécurité nationale » avaient été levés lundi, le porte-parole du gouvernement sénégalais expliquant que l’opposant n’émettait plus d’« appels à l’insurrection ».
Ousmane Sonko a été condamné le 1er juin à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs, un verdict qui le rend inéligible en l’état, rappellent ses avocats et des juristes. Sa condamnation a engendré au début de juin les troubles les plus graves depuis des années au Sénégal, qui ont fait 16 morts, selon les autorités ; une trentaine, selon l’opposition.
Le porte-parole du gouvernement sénégalais, Abdou Karim Fofana, avait récemment dit que la décision d’arrêter ou non l’opposant revenait au procureur de la République. Le ministre de la justice avait affirmé juste après sa condamnation que M. Sonko pouvait être arrêté « à tout moment ».
L’opposant, investi candidat par son parti à l’élection présidentielle de février 2024, a par ailleurs été condamné le 8 mai à six mois de prison avec sursis à l’issue d’un procès en appel pour diffamation, une peine perçue là aussi comme le rendant inéligible. Mais il n’a pas encore épuisé ses recours devant la Cour suprême.
Ousmane Sonko dépeint le président, Macky Sall, comme un dictateur en puissance, tandis que les partisans du chef de l’Etat le qualifient d’agitateur qui sème l’instabilité. M. Sall a annoncé au début de juillet qu’il ne briguerait pas un troisième mandat, après des mois d’ambiguïté à ce sujet.
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