CartograFreeSenegal

Qui sommes-nous ?

CartograFreeSenegal, initiative citoyenne regroupant une quarantaine de journalistes, cartographes et scientifiques des données, vise à recenser et documenter les cas de décès résultant de la répression des manifestations de juin 2023 au Sénégal. Son objectif est de pallier la confusion autour du bilan humain des violences de même que partager l’histoire de ses victimes. Malgré plusieurs tentatives d’accéder aux données gouvernementales, les autorités n’ont jusqu’ici pas donné suite.

Comment avons-nous procédé ?

Dans le feu de l’action, nombre d’informations non vérifiées ont circulé sur les réseaux sociaux. Comme préalable fondamental, nous avons tenu à établir un lien sûr et direct avec les familles des victimes afin d’authentifier les décès survenus. Pour chaque cas, au moins un journaliste a été chargé de sa documentation ; passant en revue certificats d’autopsie, éléments photos et vidéos ainsi que témoignages de parents, témoins oculaires et personnel médical.

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Ousmane Dia, vendeur de journaux

Ousmane Dia est mort dans la maison d’arrêt et de correction de Mbour des suites d’une chaîne de négligences de l’Etat selon sa famille.
La descente aux enfers de ce vendeur de journaux commence le 30 Mai 2023, date à laquelle la gendarmerie de Nguekokh est prise d’assaut par des manifestants.
Nous sommes la veille de la condamnation de l’opposant politique Ousmane Sonko.
Pour disperser la foule, les gendarmes tirent des munitions.
Ousmane Dia sera touché à la cuisse gauche par une balle en caoutchouc.
Sorti de chez lui pour aller acheter à manger, le jeune homme de 25 ans a été attiré sur les lieux du drame par la clameur issue des affrontements entre population et forces de l’ordre.
S’ensuit une convalescence qui sera abruptement abrégée quelques jours plus tard par des gendarmes qui, sur ordre du procureur, l’emmènent à la brigade de recherches de Saly pour les besoins de l’enquête sur les manifestations du 30 mai.
Malgré son infirmité, sa nature épileptique et sa santé chancelante attestées par des ordonnances et un certificat médical apportés par la famille, Ousmane Dia est placé en détention.
Pire, il est empêché d’avoir accès à ses médicaments contre l’épilepsie.
Salimata Thiam, mère du défunt, dénonce: “ils ne m’ont pas permis de lui donner ses médicaments. Je leur ai présenté un certificat médical mais le juge a décidé que seuls les médecins dédiés avaient la prérogative de cautionner l’entrée de ces médicaments après s’être assuré de son état de santé.”
Le 7 juillet, alors qu’elle se rend à la Mac de Mbour pour y voir son fils, Salimata Thiam est surprise d’apprendre dans un premier temps qu’il a été acheminé à l’hôpital.
Puis elle est informée du décès de son garçon. “Ousmane est malade, on l’a amené à l’hôpital et il a fini par décéder là-bas.” lui dit-on.
La mère éplorée conteste cette version et affirme que son fils est mort dans la prison.
Dépossédé de ses médicaments, Ousmane Dia a enchaîné les crises d’épilepsie dans sa cellule.
Le témoignage du major de la prison qui confirme l’avoir vu piquer deux crises est corroboré par le rapport du médecin légiste qui mentionne deux crises convulsives la veille et une heure trente avant le « constat de décès » aux Urgences de l’hôpital.
Le 9 juillet, l’administration pénitentiaire invite la famille du défunt à assister à l’autopsie du corps. Les résultats indiquent une mort par étouffement suite à sa crise.
Le procureur Elias Abdoulaye Diop abonde dans le même sens: “La mort est liée à une détresse respiratoire aiguë” clame t-il.
Lui qui, onze jours avant la mort d’Ousmane, avait ordonné son arrestation et demandé qu’il soit envoyé en prison malgré son état de santé alarmant.


Baye Fallou Sène, 17 ans, élève

Baye Fallou Sène est mort à la fleur de l’âge. Il avait 17 ans. Le 1er juin, sa curiosité le pousse à se soustraire à l’attention de sa maman pour aller observer les heurts entre policiers et manifestants aux Parcelles Assainies. Parti de l’Unité 16, il reçoit une balle en pleine poitrine au croisement 22. Il est évacué par une charrette à bord de laquelle il rendra l’âme selon son beau-frère. Face à la perte de son benjamin, la mère de Fallou préfère se draper d’une grande dignité et s’en remettre à Dieu. Elle garde l’heureux souvenir d’un enfant « calme, pudique et respectueux ». Élève au lycée Le Scientifique, le défunt rêvait de devenir footballeur professionnel. Aujourd’hui, Baye Fallou Sène repose dans la cité religieuse de Touba, au cimetière de Darou Salam.


Babacar Samba, 20 ans, soudeur en formation

Babacar Samba a été tué par balles le 1er juin 2023 à Bargny. Soudeur métallique en troisième année de formation, il était âgé de 20 ans. Son homonyme décrit un jeune discipliné. Mamadou Samba, père du défunt, loue les qualités d’un fils débrouillard et respectueux qui était l’espoir de toute une famille. En apprentissage, il profitait du dimanche pour travailler et prenait souvent le relai de son père « en payant le petit-déjeûner de la famille ». Son oncle réclame que la lumière soit faite sur les circonstances du décès.


Khadim Ba, 21 ans, mécanicien

Khadim Ba avait décidé de prendre part aux manifestations avec ses amis à Pikine le 1er juin. Malheureusement, il y a tragiquement trouvé la mort. Pour certains habitants du quartier Pikine Nietti Mbar, dans la banlieue de Dakar où habite le jeune mécanicien de 21 ans, le coupable n’est nul autre qu’un nervi. Selon des témoignages, ce dernier a été identifié par les compagnons d’infortune du défunt mais il se serait lui-même rendu à la police de peur d’être lynché par la foule en colère. Chez la famille de Khadim Ba, l’heure n’est pas à la vengeance. Parents et amis sont plutôt occupés à pleurer la perte d’un jeune digne et au sens du partage inégalable. Ibrahima Ba se raccroche à cette dernière image du corps inerte de son fils : « Après avoir appris que Khadim a été touché par balle, je me suis rendu au dispensaire. J’ai ôté le drap qui couvrait son visage et je l’ai appelé par son prénom ». Le père endeuillé n’obtiendra jamais de réponse.


Mor Nguer Ndiaye, 22 ans, Footballeur

Mor Nguer Ndiaye était un amoureux du ballon rond. Le 1er juin, vers 18h25, il décide d’aller s’entraîner au terrain de football situé près de chez lui. Avant de partir, il rassure sa mère qui lui conseille de faire attention aux manifestations houleuses se déroulant dans le quartier. Le jeune homme de 22 ans n’est pas inquiet car, pour éviter tout heurt, il prévoit de passer par un chemin autre que celui qu’il avait coutume d’emprunter. Ce détour lui sera fatal. Quelques pas lui suffiront à se retrouver au milieu d’une course poursuite entre policiers et manifestants. Le footballeur sera atteint à la mâchoire par un tir. Évacué à l’hôpital de Thiaroye, il décédera à 01h30 du matin. « Le médecin a confirmé que Mor a été touché par une balle réelle de 9mm » nous a confié le père du défunt. Assane Ndiaye décrit un fils révérencieux, courtois envers tous et uniquement mû par sa passion du football. Une passion qui l’avait conduit à entamer une formation dans une école de foot mbouroise.


Seny Coly, 26 ans, boulanger

Le 1er juin, malgré l’éclatement de heurts entre forces de l’ordre déployées en masse et manifestants contestant la condamnation à 2 ans de prison ferme du principal opposant au président Macky Sall, Ousmane Sonko, pour « corruption de la jeunesse », Seny Coly décide de quitter Niarry Tally pour se rendre à son lieu de travail situé aux Parcelles assainies. Une destination qu’il n’atteindra jamais. Le jeune homme de 26 ans est atteint par une balle perdue à Liberté 5. C’est un Seny Coly mourant qui est récupéré et amené par les éléments de la brigade de la gendarmerie territoriale de la Foire en retour de patrouille à la brigade. Évacué par la suite à l’hôpital Général Idrissa Pouye de Grand-Yoff (ex-CTO), il ne survivra pas à ses nombreuses blessures causées par la balle. Cette dernière a en effet endommagé une partie de sa côte droite, atteint son foie, ses poumons, ses intestins… « C’est un jeune frère qui me respectait beaucoup. Il ne faisait rien sans recueillir mon avis. Très courageux, il respectait beaucoup son travail » témoigne son grand frère Youssouf Coly qui assure que le jeune boulanger « n’avait rien à voir avec les manifestants ». Très généreux selon son employeur, Seny veillait tous les jours à remplir les bouteilles d’eau que les travailleurs utilisaient pour se désaltérer. Il n’hésitait pas non plus à offrir quelques bouts de pain aux jeunes du quartier qui lui vouaient beaucoup de respect. Seny, qui projetait de se marier après la fête de la Tabaski, laisse derrière lui deux enfants : une fille et un garçon. Bien qu’une procédure judiciaire n’ait pas encore été enclenchée, son père souhaite que les circonstances de la mort de son fils soient élucidées et que les responsables soient punis à la hauteur de leur forfaiture.


Omar Sarr est mort atteint d’une balle le 1er juin 2023 à Ziguinchor.


Sidya Diatta, 32 ans, agriculteur

Quand Boubacar Diatta parle de son regretté petit frère, il se laisse volontiers aller aux confidences. Il raconte comment Sidya Diatta abhorrait les injustices, comment il était de toutes les batailles du parti Pastef dont il était militant depuis 2018, comment il était un soutien pour ses frères et sœurs. Sidya avait 32 ans. N’ayant pas trouvé d’emploi à la fin de ses études à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO), il s’était lancé dans l’agriculture. Il est mort le 1er juin 2023 à Ziguinchor après avoir été atteint par balle comme l’a confirmé l’autopsie que sa famille n’a pu consulter que partiellement. « La police nous a empêchés de lire l’intégralité de l’autopsie », dénonce Boubacar Diatta. Les proches de Sidya Diatta disent être déterminés à obtenir justice


El Hadj Mamadou Cissé, 26 ans, étudiant en Lettres modernes

L’annonce de sa mort a secoué la twittosphère sénégalaise. El Hadj Mamadou Cissé y était connu sous le pseudonyme de « Buur Joie ». Dès l’annonce du décès de cet étudiant en lettres modernes né au quartier de l’église de Grand-Yoff , ses photos ont inondé la toile et délié les langues. Les témoignages furent unanimes quant à sa bonté et sa piété. C’est d’ailleurs en revenant de la mosquée qu’il a été touché par une balle à l’épaule. Son frère Djimbal Ba raconte que face à la fermeture de la mosquée qu’il avait l’habitude de fréquenter, Mamadou s’est rendu dans une autre mosquée située derrière sa maison. Sur le chemin du retour il sera pris au piège des tirs qui faisaient rage. Il rendit l’âme à l’hôpital Idrissa Pouye où il fut acheminé. Une immense foule l’a accompagné à sa dernière demeure à travers un cortège coordonné de bout en bout par les jeunes chrétiens de l’Église Saint Paul. El Hadj Mamadou Cissé devait se rendre au Canada en août afin d’y poursuivre ses études.


Tamsir Cissé, commerçant

Tamsir Cissé est mort atteint d’une balle le 2 juin 2023


Mamadou Moustapha Gueye, 44 ans, cinéaste-réalisateur

Le 2 Juin, après une longue journée de travail, il emprunte le chemin du retour pour rallier son domicile. Il regagne alors un quartier baignant dans un chaos monstre. En effet, à l’Unité 24 des Parcelles Assainies, policiers et manifestants s’opposent âprement.

Pour disperser la foule, les forces de l’ordre usent de gaz lacrymogènes qui rendent l’air irrespirable. Une atmosphère étouffante qui aura eu raison de Mamadou, asthmatique depuis le bas âge.

Après avoir piqué une crise d’asthme, Mamadou Moustapha Gueye, surnommé « Sounou », a rendu l’âme pendant son évacuation à l’hôpital Général Idrissa Pouye de Grand Yoff. Sounou laisse derrière lui une famille accablée par le chagrin et un monde du cinéma endeuillé par sa perte. Ses collègues et amis se souviennent de « son exemplarité, son dévouement envers les gens et sa gentillesse »

Une générosité qui manquera à ses étudiants de Ciné Banlieue auxquels il dispensait gratuitement des formations afin de leur mettre le pied à l’étrier. Âgé de 44 ans, Sounou mûrissait de nombreux projets audiovisuels parmi lesquels un documentaire sur les cimetières. 

Triste clin d’œil du destin.


Bacary Dieme, 27 ans, peintre pour automobile

Fils unique, Bacary Diémé, peintre pour automobile de 27 ans, est mort le 2 juin 2023 après avoir été touché par balle lors des manifestations. Il a rendu l’âme après son évacuation à l’hôpital de Pikine, dans la banlieue de Dakar. L’annonce de sa mort a drainé du monde dans la maison familiale, sise à Diamaguène, un quartier de la banlieue dakaroise. Le défunt, né à Bignona, dans la région de Ziguinchor dans le sud du Sénégal, était connu pour son sens du respect, témoigne son cousin Bacary Badji. Il rappelle que ce dernier n’était affilié à aucun parti politique. Face à ce drame qui les touche, la famille Diémé s’en remet à Dieu.


Serigne Fallou Sall, 17 ans, ferrailleur

Serigne Fallou Sall n’aura jamais atteint le domicile familial. De retour d’un déjeuner chez son oncle, le jeune ouvrier-ferrailleur de 17 ans est touché par balle le 2 juin aux alentours de 19h à Thiaroye. Il ne sera évacué à bord d’une ambulance qu’à 2h du matin, puis ballotté entre les hôpitaux du camp de Thiaroye et de Fann.

La mort de Serigne Fallou Sall est une illustration limpide des défaillances qui peuvent accompagner les prises en charge médicales d’urgence au Sénégal.

A l’hôpital de Fann, où Fallou sera reçu le 3 juin, sa famille révèle qu’il ne recevra pas les soins escomptés. Une double peine pour le père du défunt, Assane Sall. Il dénonce : « En plus d’avoir reçu une balle, mon fils a dû se la coltiner dans le corps pendant presque 24h sans qu’elle ne soit extraite par les équipes médicales. Un adulte n’aurait jamais pu supporter une telle épreuve, a fortiori un mineur ».

Malgré la douleur, Assane Sall lance un appel clairvoyant aux autorités sénégalaises qu’il invite à améliorer le plateau médical et assurer la sécurité des citoyens.


Mamadou Ndoye, 53 ans, sans emploi

Mamadou Ndoye avait 53 ans. Sans emploi, il souffrait d’une déficience mentale. ll est mort après avoir été percuté par un véhicule de police à Bargny. Il ne manifestait pas mais était présent sur les lieux. A Bargny, tout le monde savait que cet habitant de Ndal Dally avait l’habitude de fréquenter les abords du commissariat, zone des manifestations où il rendra l’âme après le choc.


Lassana Diarisso, 21 ans, livreur

Le corps sans vie de Lassana Diarisso a été retrouvé le vendredi 2 juin. Lass etait très connu. Des jeunes l’ont reconnu et ont appellé Makha, son frère à l’arrêt « Keur Mbaye Fall » du Train Express Régional (TER). Ce vendredi, alors qu’il était parti garer sa voiture afin de la préserver d’éventuels actes de vandalisme, il a été percuté, sur le chemin du retour, par un véhicule de gendarmerie, raconte un de ses proches. Amoché, il a ensuite été emmené par des gendarmes de la Légion de gendarmerie d’intervention de Mbao qui l’ont conduit dans la brigade du TER de Keur Mbaye Fall selon des témoins. Ses proches affirment qu’il a subi des sévices. « Nous avons tenté de le récupérer à deux reprises des mains des gendarmes qui nous ont opposé un refus catégorique », raconte son frère qui confie que les cris d’agonie du défunt résonnent encore dans sa tête. Le corps sans vie de Lassana Diarisso a été finalement remis à son père à l’arrêt du TER de sa commune.


Bassirou Sarr, 31 ans, tailleur

Bassirou Sarr était un tailleur dévoué à son quartier et à sa famille. Ce trentenaire que ses proches décrivent comme disponible et généreux s’en est allé après une dernière largesse à l’égard de sa maman Mbada Diouf. Elle confie: « Le jour de son décès il m’avait offert de l’argent. Il était d’un soutien indéfectible. C’est très douloureux de perdre son enfant dans ces circonstances ». Lamine Sarr, grand frère du défunt, réclame justice et souhaite que soit levée l’opacité autour du décès de Bassirou. Convaincu qu’un gendarme est responsable du tir mortel qui a ôté la vie de son frère, il est conforté dans sa position par le témoignage d’un ami de la famille qui a assisté à la mort du tailleur de 31 ans. Il raconte: « Nous étions en train de manifester. Bassirou qui était tout juste derrière moi a reçu une balle d’un gendarme qui a pointé son arme vers nous et tiré ». En attendant que la lumière soit faite, Guinaw Rails fait le deuil de son fils brutalement arraché à son affection.


Ismaila Traoré, Gardien, débrouillard à plusieurs métiers, 28 ans

Très tôt, Ismaila Traoré, connu sous le sobriquet de « Petit », a écourté ses études afin de subvenir aux besoins de sa famille. Toujours aux petits soins de sa mère, c’est d’ailleurs cette dernière qu’il accompagnait à l’hôpital lorsqu’il a été touché par balles à la tête sur le chemin du retour. « Petit » a succombé aux balles qui crépitaient dans une ruelle de Guinaw Rails, terrain d’affrontements entre policiers et jeunes. Âgé de 28 ans, Ismaila était un jeune homme dégourdi, touche à tout qui ne lésinait pas sur les moyens pour satisfaire son entourage.


Malang Mané, gendarme

Malang Mané est mort dans le cadre d’une intervention lors des manifestations du 2 Juin à Diamniadio. Ce gendarme surnommé « Boss » est originaire du village de Kagnobon dans le département de Bignona.


Ousmane Badio, 17 ans, mécanicien

Ousmane Badio a été tué par balles le 2 Juin à Ziguinchor. Il avait 17 ans.


Souleymane Sano, 25 ans

Souleymane Sano a été tué par balles lors des affrontements du 2 Juin à Ziguinchor. « Il est mort dans mes bras », raconte son ami qui a aperçu le tireur. Souleymane habitait Lyndiane, un quartier ziguinchorois.


Doudou Diene, 34 ans, aviculteur

Comme à son habitude, Doudou Diene dit « Petit » revenait de son poulailler à Guinaw Rails avant d’être touché par deux balles à Bargny. Il avait fait faire du café à l’épouse de son frère promettant de revenir. Malheureusement, la dernière fois que la voix de celui qui animait la maison des Diene sera entendue, ce sera pour demander pardon à son père et sa mère, au téléphone. Il rendra l’âme au matin du samedi après une intervention chirurgicale à l’hôpital Idrissa Pouye de Grand Yoff sans espoir diront les médecins à ses proches: « La balle avait fait trop de dégâts », confie son père. Petit Diene était âgé de 34 ans, époux et père d’un bébé dont il a fêté le premier anniversaire il y a un mois.


Abdoulaye Kamara dit Baaba Kaana, 38 ans, rappeur

Sa dernière vidéo postée sur son compte Tik Tok a des allures de testament. En halpulaar, langue d’expression de son art, le rappeur Abdoulaye Kamara y faisait un vibrant plaidoyer contre l’injustice et invitait ses pairs artistes, les dignitaires religieux, les sportifs et autres porteurs de voix à se prononcer contre les abus posés par le pouvoir. Un dernier message frappé du sceau de l’engagement, leitmotiv de la vie du défunt qui arpentait les scènes sous le nom de Baba Kana. Abdoulaye Kamara est mort le 3 Juin à Niary Tally. Ce jour-là, vers 18h, il se rend chez un ami aux HLM. Sur le chemin du retour, il croise des forces de l’ordre aux prises avec des manifestants. En voulant traverser ce tohu-bohu indescriptible, il est atteint par balle. En atteste l’autopsie dont fait état un communiqué publié par la famille: « décès par suite de blessure abdominale par arme à feu ». Les images de son corps emporté et malmené par les forces de l’ordre ont fait le tour des réseaux sociaux. On l’y voit recevoir un coup de fusil et des coups de pied de la part des policiers. La famille ne parviendra à récupérer le corps de leur fils que deux jours plus tard après moults pérégrinations entre commissariats et hôpitaux dakarois. Elle annonce vouloir porter plainte. Abdoulaye Kamara dit Baba Kana repose à Boinodji (Matam), au terme de sa 38ème année.


Mamadou Tall, 44 ans, conducteur de moto jakarta

Mamadou Tall, ressortissant guinéen, a été touché par une balle perdue au poumon gauche alors qu’il se trouvait dans sa chambre entre le 4 et le 5 juin. A Ziguinchor, dans le sud du Sénégal, certains pensent même que Mamadou Tall a été touché pendant qu’il priait. « Personne ne sait ce qu’il faisait, lance ce proche qui souhaite garder l’anonymat. Ce qui est sûr, c’est qu’il était chez lui ». Il y a bien un trou dans le volet métallique extérieur de sa maisonnette située dans le quartier de Néma 2. A l’intérieur de ce deux-pièces d’un grand dénuement, sans luminaire, du sang séché macule la dalle en béton, noirci par endroits par la chaleur de la Casamance. Rien n’a été touché depuis la funeste nuit : son matelas, ses claquettes, ses habits jetés sur une valise rose, ses mégots, son « jakarta » (surnom donné aux motos-taxis) ou encore ses téléphones sont toujours là [in Le Monde, 12 juin 2023].


Mouhamed Sylla, 19 ans, élève

Le 1er juin, chez la famille Sylla, le patriarche Soriba avait pris les devants en défendant sa progéniture de sortir car dehors, les affrontements entre policiers et jeunes avaient atteint un pic de violence inquiétant. Hélas, ses précautions prises n’auront pas suffi à empêcher son fils de figurer parmi les victimes des manifestations. Ce jour-là, le défunt Mouhamed Sylla passe la journée au sein de la demeure familiale. A 17h, il y effectue sa prière puis décide de rejoindre ses parents qui tiennent une échoppe située à quelques encablures. L’adolescent de 19 ans déjeune en leur compagnie et prend sans tarder le chemin du retour au cours duquel sa vie est abrégée par un tir de balle. Mis au courant par les riverains, Soriba Sylla se lance dans une recherche effrénée de son fils dont il ne retrouvera le corps que le lendemain à l’hôpital Baudoin. Malheureux dénouement pour celui qui espérait un brillant avenir pour son enfant. Le père, attristé, se souvient à quel point Mouhamed était studieux et consciencieux. Même son de cloche chez la soeur du disparu qui regrette un jeune homme poli. Élève en classe de 3ème, Mouhamed Sylla était candidat à l’examen du BFEM qu’il ne passera jamais.


Ibrahima Drago, 24 ans, employé au Port

Ibrahima Drago a été tué par balles le 2 juin à Pikine.


Modou Beye, 25 ans, pêcheur

De passage à Cap Skirring, Modou Beye y est mort par balle le 2 Juin