Au Togo, le gouvernement demande une relecture de la nouvelle Constitution, l'opposition et la société civile exigent le retrait du texte

Faure Gnassingbé, le chef de l'Etat du Togo

Crédit photo, Getty Images

Légende image, Faure Gnassingbé, le chef de l'Etat du Togo renvoie le texte sur la nouvelle constitution à l'Assemblée nationale pour une seconde lecture.
  • Author, Isidore Kouwonou
  • Role, BBC Afrique
  • Reporting from Dakar

Le chef de l'Etat togolais, Faure Gnassingbé a, le 29 mars dernier, renvoyé le texte sur la nouvelle Constitution du Togo à l'Assemblée nationale pour une seconde relecture. Ceci, après les protestations de l'ensemble de la classe politique de l'opposition et de la société civile, qui ont suivi l'adoption de ce texte par l'Assemblée nationale le 25 mars.

Faure Gnassingbé fonde son action sur l'article 67 de la Constitution togolaise qui dispose : "Le président de la République promulgue les lois dans les quinze (15) jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée par l'Assemblée nationale; pendant ce délai, il peut demander une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles, la demande doit être motivée. La nouvelle délibération ne peut être refusée".

La classe politique de l'opposition et la société civile au Togo rejettent cette nouvelle Constitution parce que, indiquent-ils, les députés dont le mandat a expiré depuis le 31 décembre dernier, ne sont pas autorisés à opérer ce changement, selon les dispositions de la Constitution.

Au lendemain de l'adoption du texte, des partis politiques ont voulu organiser des conférences de presse et tenir informée la population de la situation. Mais ils ont essuyé le refus des autorités togolaises qui ont envoyé des soldats les en empêcher.

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La société civile demande un retrait pur et simple de la loi

La société civile togolaise, tout comme la classe politique de l'opposition continue de se mobiliser dans le pays pour empêcher une nouvelle adoption de ce texte qui a été renvoyé à l'Assemblée nationale par le gouvernement pour relecture.

Le Collectif des associations de lutte contre l'impunité au Togo (CACIT), dans un communiqué rendu public ce matin, a démontré à travers des textes juridiques et des dispositions de la Constitution togolaise, comment la procédure ayant conduit à l'adoption de ce texte a été faussée.

Le CACIT a appelé à abandonner le vote de cette loi qui doit être réservé à la nouvelle législature qui sortira des élections législatives prévues pour le 20 avril prochain.

"A ce stade du processus, le renvoi fait par le chef de l'Etat pour relecture de la loi à l'Assemblée nationale est la seule voie légale existante que les députés doivent saisir pour mener une réflexion approfondie sur la nécessité de prendre en compte les différentes préoccupations légales et sociopolitiques en laissant le soin à la prochaine législature de se prononcer sur le sujet. Ceci favorisera une meilleure préparation du processus et l'assurance de l'adhésion de toutes les forces vives de la nation", recommande Me Claude Kokou Amegan, président du Conseil d'administration du CACIT.

Le Forum de la société civile de l'Afrique de l'Ouest (FOSCAO), quant à lui, demande que le texte qui fait basculer le Togo du régime semi-présidentiel à un régime parlementaire, soit soumis au peuple par voie référendaire.

Komla Messié, Directeur exécutif de FOSCAO qui a parlé à BBC Afrique indique que les dispositions de la constitution relatives à l'élection présidentielle ne peuvent être modifiées que par voie référendaire. "Ce qui est proposé dans la nouvelle Constitution ne cadre pas avec ces dispositions".

Il appelle les députés qui ont voté la loi d'expliquer à la population ce qu'ils ont fait. Pour lui, le type de régime n'est pas important pour le moment, mais il faut que les députés expliquent le problème qu'ils veulent régler en adoptant ce régime parlementaire.

"Quand on ne sollicite pas l'opinion de la population, il y a un problème. Il est important que cela cela soir un processus inclusif, démocratique, transparent, pour chacun ait son mot à dire et qu'il y ait la paix sociale", ajoute-t-il.

Les députés togolais

Crédit photo, Assemblée nationale togolaise

Légende image, Les députés à l'Assemblée nationale togolaise ont voté la nouvelle constitution du pays le lundi 25 mars 2024

Pourquoi l’Eglise catholique s’oppose-t-elle à la nouvelle Constitution au Togo ?

La Conférence des Evêques du Togo (CET) n’est pas d’accord avec l’adoption de la nouvelle Constitution votée lundi par l’Assemblée nationale togolaise. Elle demande au chef de l’Etat Faure Gnassingbé de ne pas la promulguer.

Les députés togolais ont, dans une grande majorité, voté l’adoption d’une nouvelle constitution qui fait entrer le pays dans une Ve République. Le Togo, qui était jusque-là sous un régime semi-présidentiel, bascule donc dans un régime parlementaire.

La proposition de cette loi a émané d’un groupe de parlementaires issus de la majorité au pouvoir, Union pour la République (UNIR, parti au pouvoir). Malgré les dénonciations et les protestations de la classe politique de l’opposition, de la société civile et autres observateurs qui ont appelé à abandonner ce projet, le texte a été adopté en plénière par l’Assemblée nationale.

Le nouveau texte a été validé par 89 députés sur les 91 que compte l’Assemblée nationale. Le vote a enregistré une voix contre et une abstention.

Du coup, le vote de ce lundi suscite des réactions puisque selon de nombreux observateurs sur place au Togo, l’Assemblée nationale actuelle n’est plus habilitée à voter des textes de cette importance capitale, étant donné que son mandat a expiré depuis le 31 décembre dernier.

« Par quelle alchimie juridique et politique, un parlement sortant peut-il procéder à la modification de la Constitution, à 1 mois d’un scrutin annoncé en vue de son remplacement ? Fuite en avant ou délit d’initié politique ? », se demande sur son compte X, l’ancien ministre togolais de l’Intérieur, Me François Akila-Esso Boko, actuellement en exil, qui appelait il y a quelques jours le chef de l’Etat togolais à faire retirer le projet de loi.

Que dit la nouvelle constitution votée lundi ?

Un député togolais

Crédit photo, Assemblée nationale togolaise

Légende image, Un député lors du vote de la nouvelle constitution

Le nouveau texte donne désormais le pouvoir au parlement d’élire le président de la République.

Contrairement à la Constitution de la IVe République qui dispose en son article 59 que le président de la République est élu au suffrage universel, libre, direct, égal et secret pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois, la nouvelle indique que ce dernier sera désormais choisi « sans débat » par le Parlement « pour un mandat unique de six ans ».

La nouvelle Constitution prévoit également le poste de « président du Conseil des ministres » qui a la « pleine autorité et le pouvoir de gérer les affaires du gouvernement et d’être tenu responsable, en conséquence ». En des termes plus simples, le président du Conseil des ministres devient celui qui représente le pays à la place du président de la République.

Le nouveau texte indique qu’il est « le chef du parti ou le chef de file de la coalition de partis majoritaire à l’issue des élections législatives ». Et « il est désigné pour un mandat de six ans », selon le texte.

Pour le président de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale à l’Assemblée nationale togolaise, Tchitchao Tchalim, qui a expliqué le texte lundi devant les députés, le président de la République est dépossédé de ses pouvoirs.

« Le chef de l’Etat est pratiquement désinvesti de ses pouvoirs en faveur du président du conseil des ministres, qui devient celui qui représente la République togolaise à l’extérieur, qui dirige effectivement le pays dans la gestion quotidienne », a-t-il déclaré.

Indignation de la Conférence des Evêques du Togo

Les Evêques du Togo

Crédit photo, CET

Légende image, Les Evêques du Togo ont marqué leur "grand étonnement" vis-à-vis de l'adoption de la nouvelle constitution par les députés togolais

Interpellés par le projet de modification de la Constitution, les évêques indiquent qu’ils étaient réunis en visioconférence le 21 mars dernier pour réfléchir sur les conséquences que peut avoir cette loi sur la vie sociopolitique de notre pays. Ils avaient au cours de la réunion décidé de « demander une urgente audience auprès de son Excellence Monsieur le Président de la République pour lui faire part de nos questionnements et réserves ».

La CET porte ses réserves sur points essentiels. D’abord, l’opportunité ou non de faire cette modification. « Il nous semble important d’expliquer au peuple, et pas seulement à ses Représentants à l’Assemblée Nationale, les raisons d’une telle modification. Qu’apportera-t-elle de mieux à notre marche commune et à notre vie sociopolitique ? », indiquent les évêques dans leur déclaration.

Ensuite l’opportunité ou non du moment choisi. « L’actuelle Assemblée Nationale est en fin de mandat depuis un moment. Théoriquement, elle ne devrait gérer que les affaires urgentes et courantes, en attendant les résultats des élections qui auront lieu le 20 avril prochain et la prise de fonction des nouveaux élus », font remarquer les prélats.

Et de se demander : « Est-il opportun qu’une modification constitutionnelle soit organisée en cette période où les Députés eux-mêmes sont préoccupés par la campagne électorale qui commence très bientôt ? Ne serait-il pas plus sage de la reporter à une date ultérieure, pour des travaux plus sereins ? ».

Enfin, la Conférence des évêques du Togo s’interroge sur la procédure adoptée qui a abouti au vote de la loi. « Un sujet aussi important qui va profondément changer la vie politique de notre pays ne devrait-il pas être précédé d’une large consultation et d’un débat national plus inclusif ? », se sont-ils demandés.

Ils renchérissent en indiquant avoir appris mardi matin avec « grand étonnement » que l’Assemblée nationale a adopté la modification de la Constitution pour faire passer le Togo d’un régime semi-présidentiel à un régime parlementaire, alors qu’ils attendent « impatiemment la réponse à notre demande d’audience adressée au président de la République ».

« Voilà pourquoi, nous, Evêques catholiques du Togo, venons par la présente déclaration exhorter le Chef de l’Etat à surseoir la promulgation de la nouvelle constitution et à engager un dialogue politique inclusif, après les résultats des prochaines élections législatives et régionales », adressent-ils à Faure Gnassingbé, le chef de l’Etat.

Avant la Conférence des évêques du Togo, la classe politique de l’opposition et les organisations de la société civile togolaise ont manifesté leur rejet contre le projet de loi.

Un projet de loi qui avait provoqué la protestation de la classe politique et de la société civile

L’ancien ministre togolais de l’Intérieur, aujourd’hui en exil, Me François Boko a déjà réagi en amont de ce projet de loi en demandant au « régime de Faure Gnassingbé d’arrêter cette instrumentalisation des institutions à des fins de pérennisation d’un système ».

« A l’analyse de l’exposé des motifs et de la nouvelle proposition de loi constitutionnelle, on se rend aisément compte que les auteurs (…), sont plutôt guidés par le souci de garantir un pouvoir à vie à une seule famille, mieux à un seul individu, ceci au détriment des aspirations profondes du peuple togolais et de la stabilité du pays », a déclaré dans un communiqué il y a quelques jours le président du parti des Forces Démocratiques pour la République (FDR), Me Paul Dodji Apevon.

La Société civile, quant à elle, avait appelé les partenaires du Togo et la communauté internationale à prendre des sanctions ciblées contre « tous les anciens députés qui veulent plonger le Togo dans l’incertitude ».

« Au regard de toutes ces menaces qui pèsent sur les acquis démocratiques au Togo, les organisations de la société redoutent un climat d’instabilité politique si rien n’est fait pour arrêter le projet boulimique du parti au pouvoir », a indiqué une dizaine d’organisations de la société civile le 12 mars dernier.

La Diaspora togolaise en Allemagne (DTA) n’est pas restée en marge de cet appel à abandonner le changement de la constitution. Elle trouve « inadmissible » ce changement qui « est susceptible de conduire le Togo vers les lendemains incertains ».

La majorité au pouvoir, initiateur de ce changement constitutionnel, continue de défendre le texte. La démarche trouve son fondement dans les dispositions contenues dans la loi fondamentale du pays, selon elle.

Les arguments du partir au pouvoir

Pacôme Adjourouvi, ministre togolais des Droits de l’homme, de la Formation à la citoyenneté et des Relations avec les institutions de la République

Crédit photo, Ministère togolais des droits de l'homme

Légende image, Pacôme Adjourouvi, ministre togolais des Droits de l’homme, de la Formation à la citoyenneté et des Relations avec les institutions de la République a indiqué que ce chnagement constitutionnel va changer la vie et le visage politique du Togo

Pour le ministre togolais des Droits de l’homme, de la Formation à la citoyenneté et des Relations avec les institutions de la République, membre du parti au pouvoir, Pacôme Adjourouvi, l’initiative de la nouvelle loi vient de plus d’1/5 des députés composant l’Assemblée nationale. Et la démarche est fondée sur l’alinéa 1 de l’article 144 de la Constitution togolaise.

« C’est un processus légal, conforme aux dispositions constitutionnelles de notre pays », a-t-il indiqué en ajoutant que le législateur a voulu offrir l’opportunité aux députés de réajuster les textes pour les adapter aux éventuelles mutations et « éviter par là même un enfermement dans les carcans immuables ».

Il souligne que la loi s’inscrit dans la logique des diverses mutations intervenues au plan national, régional et mondial pour proposer le passage du régime présidentiel au régime parlementaire. M. Adjourouvi repose la démarche des députés sur trois piliers, notamment le renforcement de la démocratie et de la séparation des pouvoirs, l’amélioration de la stabilité gouvernementale et l’adaptation aux évolutions sociopolitiques du pays.

« Plus de trois décennies après l’adoption de la Constitution du 14 octobre 1992, les réalités et aspirations actuelles de notre peuple ne cadrent plus véritablement avec les mobiles qui avaient sous-tendu la loi fondamentale », a-t-il ajouté, rappelant que des « révisions subséquentes » de cette constitution étaient intervenues le 31 décembre 2002, le 7 février 2007 et le 15 mai 2019.

Au regard de la situation actuelle avec son contexte crisogène, a-t-il poursuivi, les motifs de la présente révision constitutionnelle sont pertinents.

« Son avantage réside dans la plénitude des pouvoirs qu’elle confère au peuple, seul détenteur de la souveraineté. Le vote de ce jour se présente comme une aubaine pour redonner à notre pays des repères plus adaptés. La présente loi de révision constitutionnelle induira le passage de notre pays à une 5e République avec une nouvelle image de la vie politique nationale au centre de laquelle l’Assemblée nationale et le sénat jouent un rôle très important », a déclaré Pacôme Adjourouvi, félicitant les députés pour ce vote.

Facteurs favorables au changement constitutionnel

Ce changement constitutionnel intervient à moins d’un mois des élections législatives prévues le 20 avril prochain dans le pays. Elles seront couplées avec les élections régionales.

L’opposition togolaise avait boycotté les dernières élections législatives de décembre 2018, donnant ainsi la chance au pouvoir d’avoir la majorité à l’Assemblée nationale. Les partis d’opposition avaient dénoncé des irrégularités lors du recensement électoral à l’époque.

Pour les observateurs, ces facteurs ont été favorables pour le pouvoir de faire ce changement de la constitution, la majorité des députés lui étant acquis, l’opposition n’étant pas très représentatif à l’Assemblée nationale.

En 2019, les députés avaient procédé à une révision de la constitution pour limiter le mandat présidentiel à deux, remettant ainsi le compteur à zéro pour Faure Gnassingbé. Il était arrivé au pouvoir en 2005 à la mort de son père, Gnassingbé Eyadéma qui avait dirigé le Togo pendant 38 ans.

Des réactions après l’adoption de la nouvelle constitution

Me Paul Dodji Apevon est président des FDR

Crédit photo, FDR

Légende image, Me Paul Dodji Apevon, président des Forces Démocratiques pour la République (FDR, opposition) indique que le fait de voter une nouvelle constitution sans débat national est une "défiance au peuple"

Ce changement constitutionnel va changer la vie et le visage politique du Togo, selon le ministre togolais des Droits de l’homme, de la Formation à la citoyenneté et des Relations avec les institutions de la République, membre du parti au pouvoir, Pacôme Adjourouvi.

Pour Dr Christian Spieker, Président du Mouvement Germany is back, le passage du Togo du régime semi-présidentiel au régime parlementaire est une bonne chose, « même si on peut soupçonner le pouvoir en place de vouloir faire pérenniser le chef de l’Etat au pouvoir ».

Il indique que le problème du Togo « n’est pas un problème juridique mais politique ». « C’est parce qu’on a un problème politique récurrent dans notre pays qu’on n’arrive pas à résoudre nos problèmes juridiques. C’est ce régime sans doute qui nous permettra à résoudre nos problèmes juridiques », souligne-t-il.

Le régime parlementaire, selon lui, pourrait engendrer un changement majeur dans le système politique du fait que « celui qui deviendra président du Conseil des ministres participera aussi aux élections législatives en 2025 à la fin du mandat présidentiel de Faure Gnassingbé car le Premier ministre dans le système parlementaire est avant tout un député élu dans sa circonscription électorale ».

Mais pour le président du parti d’opposition Forces Démocratiques pour la République (FDR), Me Paul Dodji Apevon, l’opposition togolaise n’entend pas accepter « cette forfaiture qui vient de se commettre chez nous et qu’on appelle pompeusement changement constitutionnel ». Il affirme aussi qu’il faut des préalables pour poser cet acte qui engage la vie de toute la nation.

Il précise que ce qu’ont fait les députés lundi dernier n’est rien qu’un acte de « défiance envers le peuple togolais ». Il insiste sur la fin du mandat des députés depuis le 31 décembre dernier, et donc ne sont plus en mesure de voter un texte de cette nature. « Personne ne connaissait la loi qu’ils votaient en catimini. Parce qu’ils veulent faire une place à Faure Gnassingbé qui fait 20 ans au pouvoir et on lui trouve cet artifice. C’est trop, on ne peut pas l’accepter. Il y a quand même une limite à tout », insiste-t-il.

Les implications de ce changement constitutionnel

Mme Chantal Yawa Tsegan

Crédit photo, Assemblée nationale togolaise

Légende image, Mme Chantal Yawa Tsegan, présidente de l'Assemblée nationale togolaise

Ce changement constitutionnel induit des implications pour ce pays de l’Afrique de l’Ouest. Et la première, selon L’Expert togolais en gouvernance politique, Paul Kossi Amégankpo, c’est que le principe de la séparation des pouvoirs devient flou. « Parce que la démocratie représentative présidentielle et semi-présidentielle que le Togo a expérimenté jusqu’à présent est incarnée par trois pouvoirs qui ont des prérogatives distinctes », dit-il.

Ces pouvoirs sont l’Assemblée nationale, la présidence de la République et les pouvoirs judiciaires. « Cependant, le nouveau système rend la séparation du pouvoir entre l’Assemblée nationale, donc le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif moins étanche. Ce qui fait qu’il y a un risque de confondre l’exécutif au législatif », explique-t-il.

Pour lui, l’opportunité de ce changement est redoutée et remise en cause, « dans la mesure où nous sommes à moins d’un mois de l’organisation d’un double scrutin législatif et régional et les Togolais ont attendu ce double scrutin avant la fin de l’année dernière, mais il y a eu un report et les conditions de son organisation n’ont pas encore fait l’unanimité ».

Il donne un deuxième élément qui est lié à la Constitution togolaise qui, selon le droit togolais, interdit la révision constitutionnelle en période d’intérim. La sixième législature ayant son « mandat caduc depuis le 31 décembre 2023 », les députés actuels ne sont donc pas autorisés à voter ce texte.

Me Paul Dodji Apevon insiste sur cette violation des dispositions de la constitution dans le cadre de ce changement. « L’article 52 de notre constitution ne permet pas à des députés qui sont en fin de mandat de poser un acte aussi grave, parce qu’ils ne peuvent même plus légiférer, à plus forte raison de modifier la constitution », précise-t-il.

Il cite également l’article 59 de la loi fondamentale qui indique qu’il faut le référendum pour changer le mandat du président de la République. « C’est pourquoi je parle de coup d’état constitutionnel ».

« Il y a un défaut d’appropriation du contenu de ces réformes par la population. Le peuple togolais n’a pas du tout connaissance du contenu de la nouvelle constitution », a conclu Paul Amegankpo.

Quelles conséquences ?

Selon de nombreux observateurs, ce changement constitutionnel va accentuer la crise politique que connaît le pays depuis quelques années. Et cela peut créer des mouvements dans ce pays où on observe un calme relatif ces derniers temps. Déjà l’opposition togolaise s’apprête à se mobiliser.

« C’est une agression, c’est un coup d’Etat constitutionnel et le régime en place est coutumier du fait. Nous allons encore une aggravation de la crise qui perdure depuis des décennies », indique Me Paul Dodji Apevon.

Le militant des droits de l’homme, président du Mouvement Conscience Mandela, également avocat au barreau de Paris, Me Raphael Nyama Kpandé-Adzaré, indique que c’est un « coup d’Etat constitutionnel » et appelle la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine (UA) à réagir en interpellant les autorités togolaises et à revenir à l’ordre constitutionnel.

« L'article 45 de la constitution de 1992 confrère à tout citoyen le devoir de combattre toute personne ou groupe de personnes qui tenterait de changer par la force l'ordre démocratique établi par la constitution. C'est bien le cas en l'espèce et l'article 150 ajoute que dans ces circonstances, pour tout Togolais, désobéir et s'organiser pour faire échec à l'autorité illégitime constituent le plus sacré des droits et le plus impératif des devoirs. L'heure n'est pas à la résignation, mais à la résistance », dit-il.

L’expert en gouvernance politique, Paul Amegankpo dit comprendre les préoccupations de la Conférence des Evêques du Togo qui appelle à laisser tomber tout simplement ce changement constitutionnel. Ceci pour éviter des troubles dans le pays.